Depuis quelques jours, je vois une publication circuler sur les réseaux sociaux…

Je ne suis pas là pour critiquer cette publication, je suis certaine que l’intention derrière est très sincère et bien intentionnée. Je n’en doute pas une seconde. Mais je ne peux m’empêcher de la commenter. Il s’agit d’une publication sur la transmission mère-fille des troubles alimentaires et des troubles corporels. J’en parle ici pour porter la réflexion plus loin. Si vous ne l’avez pas vu, ce n’est pas grave, je vais vous mettre en contexte.

La publication en question porte sur une mère bien intentionnée qui souhaite éviter de transmettre des éléments qui sont souvent associés comme favorisant une mauvaise estime de soi chez les filles/femmes.

Pas qu’un trouble de filles

D’abord, je tiens à souligner que les troubles alimentaires n’affectent pas que les filles. Les problèmes d’estime de soi et de non-acceptation de son physique, ce n’est pas qu’une affaire de fille. Peu importe le genre, des gens peuvent avoir une mauvaise estime d’eux, une relation désagréable avec leur corps et leur alimentation, tous sexes confondus. Je crois qu’il est important qu’on inclut tout humain dans ce discours, afin que tous puissent se reconnaître et s’ouvrir au changement.

Incarner le changement

Segundo, il est favorable de comprendre que ce ne sont pas que nos comportements et nos paroles qui influencent nos enfants, mais notre sentie, les sous-entendus, les subtilités, les non-dits, etc. Les enfants sont des éponges. Ils apprennent beaucoup et pas seulement ce que l’on souhaite leur transmettre, malheureusement. Le plus beau cadeau que l’on puisse leur faire c’est d’être transparent sur le fait que l’être humain est faillible, imparfait et que c’est normal de l’être. Incarnons cette croyance et montrons leur l’exemple. Comme Gandhi disait : « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde ».

Éviter de se peser devant son enfant

Je remets en question l’efficacité qu’aura le fait d’éviter de se peser devant son enfant. Éviter de se peser, n’est-ce pas un acte en soi qui démontre un malaise avec son poids, son apparence physique? Le but ici étant d’éviter que l’enfant associe sa valeur personnelle à son poids indiqué sur la balance. Si sa valeur personnelle ne dépend pas de son poids, pourquoi ne pas se peser? En ce sens, est-ce que le fait d’éviter de se peser est réellement une solution efficace? Est-ce que cet évitement contribue réellement à bâtir une meilleure estime de soi? Je ne crois pas.

Éviter de se critiquer ou de critiquer autrui devant son enfant

La mère promet aussi d’éviter de se critiquer devant son enfant ou de critiquer une autre personne. OK! Je comprends le point. On apprécie l’intention derrière, mais si vous vous jugez quand vous passez devant un miroir ou que vous jugez la personne qui passe devant vous et qui a un physique qui a une moindre valeur à vos yeux, croyez-vous sincèrement que votre enfant ne le verra pas dans votre attitude, dans votre regard? Est-ce uniquement les mots qui parlent ou le regard aussi?

Et si à la place on se questionnait sur la raison de nos jugements? Qu’on essayait d’assouplir nos exigences et notre rigidité face à la diversité? By the way, on parle de diversité seulement parce qu’il y a encore trop de gens qui croient, entre autres, qu’un corps ne devrait ni être trop gros ni trop mince. Sinon on parlerait de normalité alias gros, petit, moyen, long, court, etc. Je rappelle qu’à la base diversité = normalité. Je pourrais écrire un autre article sur le sujet, mais revenons en à nos moutons.

Si on apprenait nous-mêmes à ne pas accorder de valeur moindre ou supérieure à des caractéristiques physiques? Et si on en parlait avec vos enfants, si on accueillait nos jugements et les leurs, pour mieux les remettre en question? Si on leur apprenait à réfléchir à la place. À apprendre à mieux se comprendre et à mieux comprendre ce qui les pousse à juger si durement leur corps ou celui des autres? Si on les outillait à recevoir la critique, mais surtout à ne pas prendre toutes les opinions pour des faits absolus?

Éviter d’informer votre enfant que vous faites un régime ou toute diète camouflée

Un mot me vient à l’esprit : angle. Tout est une question d’angle, de point de vue, de perception. J’ai déjà été au régime. Mes enfants en étaient conscients et même affectés. J’ai eu un diabète de grossesse à ma dernière grossesse, j’ai dû adopter un régime alimentaire différemment, limitant, et toute ma famille en a été affectée puisque c’est moi qui cuisine la plupart des repas et que c’est moi qui fais l’épicerie. Mon amie diabétique, suis un régime et c’est ce qui lui sauve la vie. La personne céliaque, même chose. Bon je sais, certains vont dire que c’est facile dans ces cas-ci, que c’est justifiable, valable.

Deuxième mot qui me vient à l’esprit : nuance. La vie, c’est complexe, l’humain est complexe. On ne peut pas tout mettre dans une case bonne ou mauvaise. Nos enfants doivent apprendre à comprendre, à analyser, critiquer, nuancer. Pour ça, il est important de discuter avec eux et souvent. De pleins de sujets variés. Pourquoi ne pas aborder les troubles alimentaires? L’estime de soi? Pourquoi ne pas chercher à trouver de l’aide pour nous aider à décoller cette association entre apparence physique et valeur personnelle? Je crois que ce serait un cadeau extraordinaire pour nos enfants si on effectuait ce travail sur nous pour mieux incarner l’exemple.

Une société de plus en plus sensibilisée

Sur ce, je tiens à rappeler que mon objectif n’est pas de critiquer l’auteur de cette publication. Au contraire, elle cherche des moyens d’éviter que sa fille souffre de ces difficultés. Je suis heureuse de voir les tendances changer, de voir des gens chercher des moyens pour éviter que les filles les enfants développent ces troubles «souffrants». Mais, si on souhaite vraiment y arriver, je crois qu’il faut aborder le sujet autrement. On ne pourra s’en sortir sans décoller l’association entre valeur personnelle et apparence physique. On ne montre pas l’exemple avec la seule intention de leur montrer certaines choses et en évitant de leur en montrer d’autres.

Ils prennent (souvent) exemple par imitation.

C’est en incarnant l’exemple qu’on pourra, peut-être, mieux leur transmettre ces valeurs de mieux-être.

Comme dans un jardin, nous récoltons ce que l’on choisit de semer et tout ce que l’on ne choisit pas de semer. Surtout si un ménage en profondeur n’a pas préalablement été fait. Il en est de même pour l’éducation des enfants.

Roxanne Normandin

Thérapeute et collaboratrice

Crédit : Mariepier Desjardins Photographe